Conte comme chat

Je m’aperçois qu’au bout de toutes ces années je n’ai jamais fait un billet sur GRIGNETTE, chatte qui nous accompagne depuis 14 ans ; autant dire qu’elle a eu le temps d’affirmer son caractère indépendant et fantasque. Princesse de salon l’hiver, mais belle des champs en son royaume d’été.

Et pour ceux qui aiment les chats il y a aussi, dans les Contes comme ça de R. Kipling,  « Le chat qui allait son chemin tout seul »  : http://passionchats.free.fr/histoire3.htm

Le chat qui allait son chemin tout seul 

Ois, écoute et entends bien ; car ceci advint, ceci survint, devint et fut,  ô ma Mieux-Aimée, à une époque où les animaux Apprivoisés étaient sauvages. Le Chien était sauvage, le Cheval était sauvage, la Vache était sauvage, le  Mouton était sauvage, le Cochon était sauvage, sauvages autant qu’il est  possible d’être sauvage, et ils allaient sauvages et solitaires par les Bois  Humides et Sauvages. Mais le plus sauvage de tous les animaux sauvages,  c’était le Chat. Il allait son chemin tout seul, et pour lui tous les  endroits se valaient.

Bien sûr l’Homme était sauvage lui aussi. Il était sauvage à faire peur. Il ne commença vraiment à s’apprivoiser que lorsqu’il rencontra la Femme, elle  lui dit qu’elle ne voulait pas vivre comme une sauvage. Elle dénicha pour  s’y coucher, au lieu d’un tas de feuilles humides, une jolie Caverne sèche,  puis elle répandit du sable propre sur le sol ; elle alluma un bon feu de  bois au fond de la Caverne ; elle suspendit une peau de cheval sauvage  séchée, la queue en bas, devant l’entrée de la Caverne, puis elle dit : « Essuie tes pieds quand tu rentres, mon chéri. Désormais nous allons avoir  un foyer. »
Ce soir-là, ma Mieux-Aimée, ils mangèrent du mouton sauvage rôti sur les  pierres chaudes, assaisonné d’ail sauvage et de poivre sauvage ; et du  canard sauvage farci de riz sauvage et de fenugrec sauvage et de coriandre  sauvage ; et des os à moelle de boeuf sauvage, des cerises sauvages et des  passiflores sauvages. Puis l’Homme s’endormit devant le feu, très heureux,  mais la Femme resta éveillée à peigner ses cheveux. Elle prit l’os de  l’épaule de mouton, la grande omoplate toute plate et en examina les  magnifiques marques, puis elle ajouta du bois dans le feu et fit une Magie.
Elle fit la Première Magie Chantante au monde. Dehors, dans les Bois Humides et Sauvages, tous les animaux sauvages s’assemblèrent là où ils pouvaient voir la lumière du feu à grande distance  et ils se demandèrent ce que cela signifiait. Alors Cheval Sauvage piaffa avec son sabot sauvage et dit :
« Ô mes Amis, ô mes Ennemis, pourquoi l’Homme et la Femme ont-ils fait cette  grande lumière dans cette grande Caverne, et que devons-nous redouter ? » Chien Sauvage leva son museau sauvage et renifla l’odeur du mouton rôti et  dit :
« Je vais aller voir et regarder et dire ; car ça me semble bon. Chat, viens  avec moi.
– Nenni ! dit le Chat. Je suis le Chat qui va son chemin tout seul et pour moi tous les endroits se valent. Je n’irai pas.
– Alors c’en est fini de notre amitié », dit Chien Sauvage. Et il trottina jusqu’à la Caverne. Mais à peine était-il parti que le Chat se dit : « Pour moi tous les endroits se valent. Pourquoi n’irais-je pas moi  aussi voir et regarder puis repartir à ma guise ? » Donc il suivit Chien   Sauvage doucement, tout doucement, et il se cacha là où il pouvait tout  entendre. Lorsque Chien Sauvage atteignit l’entrée de la Caverne, il souleva avec son  museau la peau de cheval séchée et renifla la bonne odeur du mouton rôti. Et  la Femme, regardant l’omoplate, l’entendit, et rit et dit : « Voici le premier. Chose Sauvage des Bois Sauvages, que veux-tu ? » Chien sauvage dit : « 0 mon Ennemie et Femme de mon Ennemi, qu’est-ce qui sent si bon dans les  Bois Sauvages ? » Alors la Femme prit un os de mouton rôti et le jeta à Chien Sauvage et dit : « Chose Sauvage des Bois Sauvages, goûte et essaye. » Chien Sauvage rongea l’os et c’était plus savoureux que tout ce qu’il avait  goûté jusqu’alors, et il dit : « 0 mon Ennemie et Femme de mon Ennemi, donne-m’en un autre. »
La Femme dit : « Chose Sauvage des Bois Sauvages, aide mon Homme à chasser la journée et garde cette Caverne la nuit, et je te donnerai autant d’os rôtis que tu  voudras. Ah ! dit le Chat tout ouïe. Voici une Femme très maligne, mais pas aussi maligne que moi. » Chien Sauvage entra en rampant dans la Caverne et posa sa tête sur les genoux de la Femme et dit : « Ô mon Amie et Femme de mon Ami, j’aiderai ton Homme à chasser la journée  et la nuit je garderai ta Caverne.
– Ah ! dit le Chat tout ouïe. Voilà un Chien bien stupide. » Et il repartit dans les Bois Humides et Sauvages en agitant sa queue sauvage, s’en allant solitaire et sauvage. Mais il ne raconta rien à personne. Quand l’Homme se réveilla, il dit : « Que fait donc ici Chien Sauvage ? » Et la Femme dit : « Il ne s’appelle plus Chien Sauvage mais le Premier Ami, car il sera notre  ami pour toujours et à jamais. Prends-le avec toi lorsque tu iras à la  chasse. »

Le soir suivant, la Femme coupa de grandes brassées d’herbe verte dans les  noues qu’elle fit sécher devant le feu, et cela sentait le foin fraîchement  coupé, et elle s’assit à l’entrée de la Caverne et tressa un licol en cuir  de cheval et regarda l’os de l’épaule de mouton, la grosse et large omoplate  toute plate, et fit une Magie.
Elle fit la Seconde Magie Chantante au monde.
Là-bas dans les Bois Sauvages, tous les animaux sauvages se demandaient ce  qu’il était advenu de Chien Sauvage, et à la fin, Cheval Sauvage tapa du  pied et dit : « Je vais aller voir et rapporter pourquoi Chien Sauvage n’est pas revenu. Chat, viens avec moi.
– Nenni, dit le Chat. Je suis le Chat qui va son chemin tout seul et pour moi tous les endroits se valent. » Mais il suivit malgré tout Cheval Sauvage, doucement, tout doucement, et il  se cacha là où il pouvait tout entendre. Quand la Femme entendit Cheval Sauvage broncher et trébucher sur sa longue  crinière, elle rit et dit : « Voici le second. Chose Sauvage des Bois Sauvages, que veux-tu ? » Et Cheval Sauvage dit : « Ô mon Ennemie et Femme de mon Ennemi, où est Chien Sauvage ? » La Femme rit, ramassa l’omoplate, la regarda et dit : « Chose Sauvage des Bois Sauvages, tu n’es pas venue pour Chien Sauvage,  mais pour cette bonne herbe. » Et Cheval Sauvage, qui bronchait et trébuchait sur sa longue crinière, dit : « C’est vrai. Donne-m’en à manger. »
Et la Femme dit : « Chose Sauvage des Bois Sauvages, courbe ta tête sauvage et porte ce que je  te donne, et tu mangeras cette herbe merveilleuse trois fois par jour. – Ah ! dit le Chat tout ouïe. Voici une Femme très habile, mais pas aussi
habile que moi. »
Cheval Sauvage courba sa tête sauvage et la Femme glissa autour le licol de cuir tressé, et Cheval Sauvage souffla sur les pieds de la Femme et dit : « Ô ma Maîtresse et Femme de mon Maître, je serai ton serviteur pour avoir  de l’herbe merveilleuse. – Ah ! dit le Chat tout ouïe. Voilà un Cheval bien stupide. »
Et il repartit dans les Bois Humides et Sauvages en agitant sa queue sauvage, s’en allant solitaire et sauvage. Mais il ne raconta rien à personne. Quand l’Homme et le Chien rentrèrent de la chasse, l’Homme dit : « Que fait Cheval Sauvage ici ? » Et la Femme dit : « Il ne s’appelle plus Cheval Sauvage mais le Premier Serviteur, car il nous  portera de-ci de-là pour toujours et à jamais. Monte sur son dos quand tu  iras à la chasse. »

Le lendemain, tenant sa tête sauvage bien droite pour que ses cornes sauvages ne se prennent pas aux branches des arbres sauvages, Vache Sauvage  se rendit à la Caverne et le Chat la suivit et il se cacha comme précédemment et tout se déroula comme précédemment et le Chat dit les mêmes choses que précédemment ; et quand Vache Sauvage eut promis à la Femme de  lui donner chaque jour son lait en échange de l’herbe merveilleuse, le Chat  repartit dans les Bois Humides et Sauvages en agitant sa queue sauvage, s’en  allant solitaire et sauvage comme précédemment. Mais il n’en parla jamais à  personne. Et quand l’Homme, le Cheval et le Chien revinrent de la chasse et posèrent les mêmes questions que précédemment, la Femme dit : « Elle ne s’appelle plus Vache Sauvage mais la Donneuse de Bonne Nourriture. Elle nous donnera du bon lait blanc bien chaud pour toujours et à jamais et  je m’occuperai d’elle pendant que toi, le Premier Ami et le Premier Serviteur vous serez à la chasse. »

Le lendemain, le Chat attendit de voir si une autre Chose Sauvage irait à la  Caverne, mais personne ne bougea dans les Bois Humides et Sauvages, alors le  Chat s’y rendit tout seul, et il vit la Femme qui trayait la Vache, et il  vit la lumière du feu dans la Caverne et il sentit l’odeur du bon lait blanc  bien chaud.
Chat dit : « Ô mon Ennemie et Femme de mon Ennemi, où Vache Sauvage est-elle partie ? » La Femme rit et dit : « Chose Sauvage des Bois Sauvages, retourne dans les Bois car j’ai tressé  mes cheveux et j’ai rangé l’omoplate magique et nous n’avons plus besoin  d’amis ni de serviteurs dans notre Caverne. »
Chat dit : « Je ne suis pas un ami et je ne suis pas un serviteur. Je suis le Chat qui  va son chemin tout seul et je désire entrer dans ta Caverne. » La Femme dit : « Alors pourquoi n’es-tu pas venu avec Premier Ami le premier soir ? » Chat se fâcha très fort et dit : « Chien Sauvage a-t-il raconté des histoires sur moi ? » Alors la Femme rit et dit : « Tu es le Chat qui va son chemin tout seul et pour toi tous les endroits se  valent. Tu es ni un ami ni un serviteur. Tu l’as dit toi-même. Va-t’en, va  seul ton chemin dans tous les lieux qui se valent . » Alors Chat fit mine d’être peiné et dit : « Ne pourrai-je donc jamais entrer dans la Caverne ? Ne pourrai-je jamais  m’asseoir près du feu si chaud ? Ne pourrai-je jamais boire le bon lait  blanc bien chaud ? Tu es très maligne et très belle. Tu ne devrais pas être  si cruelle, même envers un Chat. » La Femme dit : « Je savais que j’étais maligne, mais j’ignorais que j’étais belle. Je vais donc conclure un marché avec toi. Si jamais je prononce un seul mot à ta louange, tu pourras entrer dans la Caverne.
– Et si tu en prononces deux ? dit le Chat. – Cela n’arrivera pas, dit la Femme. Mais si je prononce deux mots à ta louange, tu pourras t’asseoir près du feu dans la Caverne. Et si tu en prononces trois ? dit le Chat. – Cela n’arrivera pas, dit la Femme. Mais si je prononce trois mots à ta louange, tu pourras boire le bon lait blanc bien chaud trois fois par jour pour toujours et à jamais. » Alors le Chat fit le gros dos et dit : « Que le Rideau à l’entrée de
la Caverne et le Feu au fond de la Caverne et les pots à lait posés près du feu se souviennent de ce qu’a dit mon Ennemie  et la Femme de mon Ennemi. » Et il partit dans les Bois Humides et Sauvages en agitant sa queue sauvage,   allant solitaire et sauvage.

Ce soir-là, quand l’Homme, le Cheval et le Chien rentrèrent de la chasse, la  Femme ne leur parla pas du marché qu’elle avait conclu avec le Chat car elle craignait que cela ne leur plût pas. Chat partit loin, très loin se cacher dans les Bois Humides et Sauvages, solitaire et sauvage, pendant longtemps, jusqu’à ce que la Femme l’ait oublié. Seule la petite Chauve-Souris suspendue la tête en bas à l’intérieur  de la Caverne, seule Chauve-Souris savait où se cachait Chat ; et  Chauve-Souris chaque soir volait annoncer les nouvelles à Chat.
Un soir, Chauve-Souris dit : « Il y a un Bébé dans la Caverne. Il est tout neuf, tout rose, petit et dodu, et la femme en raffole. – Ah ! dit le Chat tout ouïe. Mais le Bébé, de qui raffole-t-il ? – Il raffole de choses douces et qui chatouillent, dit la Chauve-Souris. Il  raffole de choses chaudes à tenir dans ses bras lorsqu’il s’endort. Il  raffole qu’on joue avec lui. Il raffole de tout ça. – Ah ! dit le Chat tout ouïe. Alors mon heure est venue. »
La nuit suivante, Chat traversa les Bois Humides et Sauvages et se cacha  tout près de la Caverne jusqu’au matin lorsque Homme, Chien et Cheval  partirent à la chasse. La Femme faisait la cuisine ce matin-là et le Bébé  pleurait et la dérangeait. Alors, elle le porta hors de la Caverne et lui  donna une poignée de cailloux pour jouer. Mais le Bébé continua à pleurer
. Alors, le Chat avança sa patte et caressa la joue du Bébé qui se mit à gazouiller, et le Chat se frotta contre ses genoux dodus et de sa queue le chatouilla sous son menton dodu. Et le Bébé rit ; et la Femme l’entendit et sourit. Alors la Chauve-Souris, la petite Chauve-Souris suspendue la tête en bas,  dit : « 0 mon Hôtesse, Femme de mon Hôte et Mère du Fils de mon Hôte, une Chose  Sauvage des Bois Sauvages joue très joliment avec votre Bébé.
– Bénie soit cette Chose Sauvage quelle qu’elle soit, dit la Femme en se redressant, car je suis une femme très occupée ce matin et elle m’a rendu  service. » A la minute et à la seconde même, ma Mieux-Aimée, le Rideau en peau de  cheval séchée qui pendait la queue en bas à l’entrée de la Caverne, tomba – vlan ! – car il se souvenait du marché conclu avec le Chat ; et lorsque la  Femme alla le ramasser, voila-t-il pas que le Chat était confortablement  installé à l’intérieur de la Caverne. « Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat. C’est moi, car tu as prononcé un mot à ma louange et désormais je peux rester dans la Caverne pour toujours et à jamais. Mais je suis encore le Chat qui va son chemin tout seul et pour moi tous les endroits se valent. »

La Femme était très en colère, elle serra les lèvres et prit son rouet et se  mit à filer. Mais le Bébé pleurait car le Chat était parti et la Femme ne parvenait pas à  le faire taire ; il se débattait et gigotait et devenait tout noir. « Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat. Prends un bout du fil que tu files, attache-le à ton fuseau et fais-le traîner par terre, je te montrerai une Magie qui fera rire ton Bébé aussi fort qu’il pleure en ce moment. – Je vais le faire, dit la Femme, car je suis à bout de nerfs, mais n’attends pas de remerciements. »
Elle attacha le fil au petit fuseau d’argile et le fit traîner sur le sol, et alors le Chat courut après, et donna des coups de patte, et fit des culbutes, et l’envoya en arrière par-dessus son épaule, et le poursuivit entre ses pattes de derrière, et fit semblant de le perdre, et se jeta de nouveau dessus jusqu’à ce que le Bébé se mette à rire aussi fort qu’il avait  pleuré et à courir à quatre pattes après le Chat en faisant le fou à travers  la Caverne, jusqu’à tomber de fatigue et s’endormir avec le Chat dans les bras. « Maintenant, dit le Chat, je vais chanter au Bébé une chanson qui le fera  dormir pendant une heure. » Et il se mit à ronronner tout fort et tout bas, tout bas et tout fort, jusqu’à ce que le Bébé s’endormît. La Femme sourit en les voyant tous les  deux et dit : « Voilà qui est très bien. Aucun doute, tu es très habile, ô Chat. » A la minute et à la seconde même, ma Mieux-Aimée, la fumée du Feu au fond de  la Caverne descendit en nuages de la voûte – pouf ! – car il se souvenait du  marché conclu avec le Chat ; et lorsqu’elle se dissipa, voila-t-il pas que  le Chat était confortablement installé près du feu. « 0 mon Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat. C’est moi, car tu as prononcé une seconde parole à ma louange et désormais je peux m’asseoir près du feu si chaud au fond de la Caverne pour toujours  et à jamais. Mais je suis encore le Chat qui va son chemin tout seul et pour  moi tous les endroits se valent. »
La Femme était très très en colère, elle défit ses cheveux et remit du bois dans le feu et sortit la large omoplate de l’épaule de mouton et se mit à  faire une Magie qui devait l’empêcher de prononcer un troisième mot à la  louange du Chat. Ce n’était pas une Magie Chantante, ma Mieux-Aimée, c’était  une Magie Silencieuse et peu à peu la Caverne devint si silencieuse qu’une  petite souris minuscule sortit d’un coin et traversa la Caverne en courant. « Ô Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat. Cette  petite souris fait-elle partie de ta Magie ? – Oh non ! Sûrement pas ! » dit la Femme. Et elle laissa tomber l’omoplate et sauta sur le tabouret devant le feu et elle rattacha rapidement ses cheveux, de peur que la souris n’y grimpât. « Ah ! dit le Chat aux aguets. Alors la souris ne me fera aucun mal si je la  mange ? – Non, dit la Femme en rattachant ses cheveux. Mange-la vite et je t’en  serai à jamais reconnaissante. » D’un bond, Chat attrapa la petite souris et la Femme dit : « Mille fois merci. Premier Ami lui-même n’est pas aussi rapide que toi pour  attraper les petites souris. Tu es certainement très habile. »
A la minute et à la seconde même, ô ma Mieux-Aimée, le Pot à Lait qui se  trouvait près du feu se fendit en deux – ffftt ! – car il se souvenait du  marché conclu avec le Chat, et lorsque la Femme sauta du tabouret, voila-t-il pas que le Chat lapait le bon lait blanc bien chaud resté dans l’un des morceaux brisés. « Ô mon Ennemie, Femme de mon Ennemi et Mère de mon Ennemi, dit le Chat. C’est moi, car tu as prononcé un troisième mot à ma louange et désormais je  peux boire le bon lait blanc bien chaud trois fois par jour pour toujours et  à jamais. Mais je suis encore le Chat qui va son chemin tout seul et pour  moi tous les endroits se valent. »
Alors la Femme rit et déposa devant le Chat un bol de bon lait blanc bien  chaud et dit : « Ô Chat, tu es aussi habile qu’un homme, mais souviens-toi que notre marché  ne fut conclu ni avec l’Homme ni avec le Chien, et j’ignore ce qu’ils feront  lorsqu’ils rentreront. – Que m’importe, dit le Chat. Du moment que j’ai ma place dans la Caverne près du feu et mon bon lait blanc bien chaud trois fois par jour, je me  moque de l’Homme et du Chien. » Ce soir-là, quand l’Homme et le Chien revinrent à la Caverne, la Femme leur raconta toute l’histoire du marché, tandis que le Chat souriait, assis au  coin du feu. Alors l’Homme dit : « Oui, mais ce n’est pas avec moi qu’il a conclu un marché, ni avec tous les Hommes après moi. »
Puis il retira ses bottes en cuir, il prit sa petite hache de pierre (ce qui fait trois) et il alla chercher un morceau de bois et une hachette (ce qui fait cinq); et il les aligna devant lui et dit : « Maintenant, à nous deux de conclure un marché ! Si tu n’attrapes pas les souris alors que tu seras toujours et toujours et toujours dans la Caverne, je te jetterai ces cinq objets chaque fois que je te verrai, et ainsi feront  tous les autres Hommes après moi. – Ah! dit la Femme tout ouïe. C’est un Chat habile, mais il n’est pas aussi  habile que mon Homme. » Le Chat compta les cinq objets (et ils avaient l’air très bosselés) et il dit : « J’attraperai les souris tant que je serai dans la Caverne pour toujours et à jamais, mais je suis encore le Chat qui va son chemin tout seul et pour  moi tous les endroits se valent. – Pas tant que je suis là, dit l’Homme. Si tu n’avais pas dit ces derniers mots, j’aurais rangé ces objets à jamais et pour toujours, mais à présent je  te jetterai mes deux bottes et ma petite hache de pierre (ce qui fait trois)  chaque fois que je te rencontrerai. Et ainsi feront tous les autres Hommes  après moi. » Alors le Chien dit : « Attends une minute, il n’a pas conclu le marché avec moi ni avec tous les  autres Chiens après moi. » Puis il montra les crocs et dit : « Si tu n’es pas gentil avec le Bébé tant que je serai dans la Caverne pour  toujours et à jamais, je te poursuivrai jusqu’à ce que je t’attrape et quand  je t’aurai attrapé, je te mordrai. Et ainsi feront tous les autres Chiens  après moi. – Ah! dit la Femme tout ouïe. C’est un Chat très habile, mais il n’est pas aussi habile que le Chien. » Chat compta les crocs du Chien (et ils avaient l’air très pointus) et il dit : « Je serai gentil avec le Bébé tant que je serai dans la Caverne, pourvu qu’il ne me tire pas la queue trop fort pour toujours et à jamais. Mais je  suis encore le Chat qui va son chemin tout seul et pour moi tous les endroits se valent. – Pas tant que je suis là, dit le Chien. Si tu n’avais pas dit ces derniers mots, j’aurais fermé ma gueule pour toujours et à jamais, mais à présent je te ferai grimper aux arbres chaque fois que je te rencontrerai. Et ainsi  feront tous les autres Chiens après moi. »
Alors l’Homme jeta ses deux bottes et sa petite hache de pierre (ce qui fait trois) sur le Chat, et le Chat s’enfuit en courant hors de la Caverne et le  Chien le fit grimper en haut d’un arbre ; et depuis ce jour jusqu’à  aujourd’hui, ma Mieux-Aimée, trois Hommes sur cinq ne manqueront jamais de  jeter des choses à un Chat chaque fois qu’ils en rencontreront un et tous  les autres Chiens lui courront après pour le faire grimper aux arbres. Mais  le Chat respecte lui aussi sa part du marché.
Il tuera les souris et il sera  gentil avec le Bébé tant qu’il sera dans la maison, pourvu qu’il ne lui tire  pas la queue trop fort.

Mais lorsqu’il a fait tout ça et entre-temps, quand  la lune se lève et que la nuit vient, il est encore le Chat qui va son  chemin tout seul et pour lui tous les endroits se valent. Alors il part dans  les Bois Humides et Sauvages ou dans les Arbres Humides et Sauvages ou bien  sur les Toits Humides et Sauvages, en agitant sa queue sauvage et en s’en  allant solitaire et sauvage.

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14 commentaires pour Conte comme chat

  1. snake0644 dit :

    Les chats ont une vie bien mystérieuse. Je les préfère aux chiens.

  2. leodamgan dit :

    Prends bien soin de ta chatte.
    Nous n’avons jamais repris de chat après la perte de Raspoutine, chat siamois errant au caractère très particulier qui nous avait adopté alors qu’il était loin d’être un chaton.

  3. leodamgan dit :

    J’ai lu « Le chat qui allait son chemin tout seul » quand j’étais petite à l’école. Et adoré.

  4. pakita48 dit :

    J’ai eu plusieurs chats…Je me souviens d’un matou qui lorsque j’attendais mon fils ne voulait plus m’approcher…étrange !
    Un autre que j’emmenais à la campagne avec moi quelques fois n’a plus voulu rentrer à Paris, mon fils m’a demandé si je l’avais fait exprès ? pas du tout lors que j’ai voulu l’attraper il a vu son sac de voyage il s’est sauvé…
    Depuis, je ne veux plus de chat, je dois être une mauvaise mère chat 😉 .

    Bises à vous deux

  5. pakita48 dit :

    Ps. J’aime beaucoup ton aquarelle :-).

  6. marie-ne dit :

    Bonjour J-F 🙂
    Récemment j’ai lu un livre de poche de la collection Piment, « la passion selon 5 matous », J’ai vraiment beaucoup Aimé, c’est frais et puis c’est vers chez moi, aussi… 😉
    les chats et les pépés se mêlent le soir sur les chaises devant chez eux, et les histoires, la vie se déroule… les expressions du midi, la chaleur, le temps qui passe au ryhtme des saisons… et puis cette façon de faire communiquer les chats, enfin c’était plaisant, chacun ses goûts bien sûr, mais peut-être ça te plairait.
    sur ce lien, tu as un extrait tout au bas de la page, on Aimes ou on Aimes pas, moi ça va, j’ai bien Aimé.

    http://www.franceloisirs.com/catalogue/article/224345/La-passion-selon-cinq-matous/Pilate-Martine

    bisous et belle après midi.
    Prend soin de toi et des tiens (es)
    merci pour le lien de la musique d’origine de la vidéo fluidity, je connaissais, d’ailleurs c’est chez toi que j’ai connu, riresss.
    A bientôt. 🙂

  7. marie-ne dit :

    C’est de Toi l’aquarelle, jolie! Tu es doué. Je ne savais pas que tu en faisais, voilà une découverte de plus. 🙂
    aller je files…. bises.

  8. marie-ne dit :

    Ben non, en fait j’ai pas filé, j’ai relu ton billet, et me suis dirigée vers le conte.
    Un EXCELLENT moment! MERCI!!!
    Je connaissais pas, bien évidemment !!! 🙂
    😉 Ce conte m’a captivé, …
    un calin à Grignette.
    Merci pour ce moment.

  9. emmatortue dit :

    coucou cher Lecteur COlette a très bien parlé des chats…Ainsi ta minette (est-ce toi qui l’a « croquée ») se fait de temps en temps la belle…La mienne aussi, mais j’ai toujours peur de ne pas la voir revenir, car j’habite en ville, hélas. Mon jardin ne lui suffit pas…Sauf quand il s’agit de faire un massacre parmi le peuple des oiseaux.
    Bonne journée à toi et qui sait?
    Je t’embrasse

  10. snake0644 dit :

    I l y a aussi « Histoires de chats zen », qui est amusant 🙂

  11. la fille dit :

    belle aquarelle, j’attends toujours celle qui décorera mon appartement d’ailleurs 🙂
    bisou au gros chat

  12. ẄWẄ dit :

    J’ai toujours eu un faible pour Kipling et son chat qui s’en allait tout seul… bonne nuit.

  13. Babel dit :

    Ton billet me fait penser à un merveilleux conte sur les chats de J.Sternberg.. http://passionchats.free.fr/histoire11.htm

    Je trouve aussi très belle ton aquarelle !

  14. marie-ne dit :

    Bonjour J-F
    Oups je crois que j’ai demandé un accès alors que je l’avais déjà. je tenais juste à te faire un petit coucou en passant tout simplement.
    J’espère que tu vas bien, ainsi que les tiens, (es) et que les vacances sont là ou qu’elles sont toutes proches.
    bises.
    Sois bien.

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